En remplacement du Fouga, le TB-30 Epsilon s’installe sur la base aérienne 709 de Cognac-Châteaubernard, le 07 juin 1984.

Les avions-écoles à Cognac de 1961 à 2019
Il y a un peu plus de 40 ans, le TB-30 Epsilon débutait sa merveilleuse carrière au sein de l’Armée de l’Air, le 07 juin 1984, sur la plus belle base aérienne de l’Armée de l’air, la Base Aérienne 709 de Cognac.
Toutes les forces aériennes, aussi puissantes soient-elles, ne peuvent exister que grâce à la formation qu’ont reçu leurs personnels. Les meilleurs pilotes de chasse ne peuvent devenir aussi bon que parce qu’ils ont, en amont de leur affectation en unité de combat, été instruit sur des avions d’entraînement performants.
C’est à partir de cette théorie que, dés le début des années 1970, l’Armée de l’Air a entreprit la recherche d’un appareil d’entraînement primaire de haut niveau.
En 1976, il fut décidé que ce serait la SOCATA (Société de Construction Aéronautique de Tarbes ) qui mettrait en chantier l’avion. Jusque là spécialisée dans les avions de tourisme, la SOCATA n’en était pas moins l’héritière du célèbre avionneur Morane-Saulnier, constructeur du MS-406, principal chasseur de l’Armée de l’Air en 1939.

Morane-Saulnier MS-406
Les ingénieurs de Tarbes s’inspirèrent largement du Beechcraft T-34 Mentor, le monomoteur léger de l’US Air Force, afin de concevoir leur nouvel avion.

Beechcraft T-34 Mentor
Celui-ci reprenait la nomenclature maison, à savoir le « TB » et devenait donc TB-30.
Il fut baptisé Epsilon !

TB-30 Epsilon « Zebulon »
Pourquoi l’Epsilon ?
Finalement et essentiellement pour des raisons d’économie, elle a fixée son choix sur un appareil équipé, d’un moteur à piston: le Lycoming AEIO-540-L1B5D de six cylindres à plat, d’une puissance de 300 ch dont la consommation n’est que de 80 l/h et de 60 l/h en régime économique, bien que la plupart du temps seul le régime « plein riche » est utilisé.
Pour mémoire un Fouga MAGISTER consomme autour de 600 l/h de kérosène.
Fouga Magister CM-170 du GE 315 de Cognac
On mesure tout de suite l’avantage offert par le TB-30 EPSILON de la SOCATA ( DAHER aujourd’hui )

Tableau technique comparant le Fouga Magister et l’Epsilon
En prenant une base 1 pour le Fouga Magister, l’Epsilon ne représente que 0,22 du coût relatif rapporté à l’heure de vol en ce qui concerne la consommation de carburant !
De plus, avion d’une technologie récente, sa maintenance et sa mise en œuvre sont réduites à leur plus simple expression.
( Fouga = 1 ; Epsilon = 0,27 coût du carburant + maintenance )
L’Epsilon se présente comme un monoplan biplace en tandem entraîné par un moteur à piston de 300ch. Son train d’atterrissage hydraulique pouvait toutefois être « rentrer » de manière manuelle.

Différentes vues du TB-30 Epsilon
Il réalisa son premier vol le 22 décembre 1979.
L’Armée de l’Air signa un contrat de développement en 1979. Les essais qui ont été réalisés par le pilote Marc Yoh et l’ingénieur Claude Durand du Centre d’Essais en Vol et de l’École du Personnel Navigant d’Essais et de Réception, démontrèrent les très bonnes qualités de l’avion mais aussi de petits défauts.
Epsilon n°1
Turbomeca a lancé en 1978 l’étude d’un nouveau moteur de 450ch, appelé TP319 pour équiper l’Epsilon, mais ce projet ne répondant pas aux conditions économiques imposées par Aérospatiale, a été mis en sommeil…
Il fallait donc redessiner et ré-usiner le second prototype en agrandissant et en reculant la verrière. Redessiner également les saumons d’aile en ajoutant une quille sur l’arrière de l’intrados afin de corriger la tendance de l’avion à partir en lacet lors des vols à haute altitude.
Le second prototype décolla ainsi modifié le 31 octobre 1980.
Epsilon n°2
Le premier SOCATA TB-30 Epsilon fut livré à l’Armée de l’Air en mai 1984 et mis en service quelques semaines plus tard le 07 Juin 1984.

L’un des tous premiers Epsilon affecté au GE 315 de Cognac en juin 1984
A partir du 07 juin 1984, l’ Epsilon s’installe à Cognac au sein du GE 315 et remplace progressivement le Fouga Magister dans le ciel cognaçais.

Le TB-30 Epsilon en « Maître » d’école du 07 juin 1984 au 24 septembre 2019, une épopée de 35 années de service.
Ces avions ont servi au sein du Commandement des Écoles de l’Armée de l’Air (ou CEAA) sur la Base Aérienne 709 de Cognac-Châteaubernard dès le 18 juin 1984.
Le 5e escadron est alors dissous.
Le GE 315 comprenait quatre escadrons d’instruction en vol (EIV) et un escadron d’instruction au sol (EIS), la mission est de former les Élèves Officiers du Personnel Navigant ainsi que celle des futurs moniteurs.
Groupement École 315 depuis le 01 octobre 1965

Le GE 315 comprenant quatre escadrons d’instruction en vol (EIV) et un escadron d’instruction au sol (EIS).
L’Epsilon se montre donc en définitive bien adapté à sa tâche et il satisfait tout à fait ses utilisateurs même si quelques esprits chagrins lui eussent préféré un avion plus gros et doté d’un turbopropulseur…
Le 18 juin 1984 se posaient à Cognac les dix premiers exemplaire du nouveau modèle d’avion qui allait équiper le Groupement 315, prédécesseur de l’actuelle Ecole de pilotage de l’Armée de l’Air.
Descendus la veille à Marsan, les dix heureux élus se rassemblent pour le briefing du chef de patrouille, en l’occurrence le Lieutenant-Colonel Jacques Sivot qui sera le premier Commandant du GE doté de l’Epsilon.
Après une heure quinze de navigation basse altitude en FMO (Formation de Manœuvre Offensive) la formation se resserre dans une parfaite formation de deux chevrons à cinq.

Formation de deux chevrons ( 5 Epsilon par chevron )
Les TB-30 Epsilon flambant neuf survolent pour la première fois la ville de Cognac, ce qui vaudra à quelques anciens de s’exclamer : M….les T-6 sont de retour !
Les « charentais Alpha » les dix heureux élus ont eu l’immense honneur de convoyer les dix TB-30 Epsilon au départ de la base aérienne de Mont Marsan à destination de la base aérienne de Cognac.

Les « charentais Alpha » les dix heureux élus !
L’accueil de l’Epsilon est officialisé le 26 juin 1984.
Le Général de division aérienne Nicolas Fevre, Commandant les Écoles de l’Armée de l’Air préside cette cérémonie.

Accueil officiel de l’Epsilon sur la base aérienne 709 de Cognac le 26 juin 1984
Le lendemain débutent les vols de transformations des autres moniteurs du 4ème escadron, ceux du 3ème suivront quelques semaines plus tard.
Le 21 novembre, premier PA1 avec un élève pilote.
Dans les écoles françaises, la première phase de l’instruction s’appelle le « pilotage accoutumance » et chaque mission est dotée d’un numéro qui va de PA1 à PA20, ou PA21, dénomination de la première séance de vol consacrée exclusivement aux atterrissages.
Le caporal-chef Pagès devient le premier élève lâché sur Epsilon le 12 décembre 1984.
Le caporal-chef Pagès

La tradition de l’éternel lâché qui signifie le début d’une longue et belle aventure…
L’Epsilon donne l’impression d’un véritable petit chasseur à hélice.
En pleine charge au décollage, il possède une envergure modeste qui lui confère une charge alaire de 144 kg au m2, suffisamment élevée pour donner au pilote des sensations proches de celles qu’il trouvera sur son futur avion d’armes.
Sur Epsilon, l’élève est en fait déjà conditionné aux réactions qu’il devra avoir sur un chasseur où tout doit se faire rapidement. On peut dire que le comportement de l’Epsilon est tout à fait comparable, à 12000 pieds, à celui d’un avion de combat à 35000 pieds.
Moteur AVCO Lycoming 6 cylindres à plat à injection, équipé d’un système CHRISTEN pour le vol inversé, d’une puissance de 300 cv à 2700 tr/min.
D’aspect simple et robuste, l’avion n’en est pas moins doté d’un cockpit très moderne à la fois pour le vol à vue ( VFR ) et le vol aux instruments ( IFR ).
Poste Avant de l’Epsilon en 1979

Profil de l’Epsilon avec sa livrée blanche
Il oblige le pilote à une grande rigueur, notamment en voltige (limite à + 5,5g) où surviennent de très rapide variations de badin et des réactions très sèches.
Ainsi le passage en Alphajet se faisait plus facilement, réduisant par là de façon appréciable le temps de réaccoutumance.

Dassault Alphajet E de l’École de chasse « EAC 00.314 Christian Martell » basé à Tours
Seule différence et qui constituera peut-être pour certains, une sortie de seuil psychologique à passer, la vitesse d’approche de l’Alphajet qui demeure plus élevée que celle de l’Epsilon qui se pose à 90kt.
Une remise en question permanente !!

Profil de l’Epsilon avec sa livrée grise à partir des années 2000
En 1985, la SOCATA fit voler une version améliorée et dotée d’un turbopropulseur Turboméca Arrius. Cet avion fut désigné TB-31 Oméga.

TB-31 Oméga
Il visait le marché de remplacement des Fouga CM-170 mais ne fut pas commander en série. L’Oméga participa également au marché américain du JPATS mais fut une fois de plus battu, par le Beechcraft T-6A Texan II.

Beechcraft T-6A Texan II
Son programme fut donc annulé.
Le cursus de formation des futurs pilotes de chasse français commençait sur TB-30 Epsilon. Les élèves passaient ensuite sur l’avion mono turbopropulseur brésilien Embraer Tucano puis sur Alphajet E.

Embraer EMB 312 Tucano
Les futurs pilotes d’avions de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre ainsi que ceux de l’Aéronautique Navale effectuaient également leur formation initiale dans le ciel charentais sur TB-30 Epsilon.
Le GE 315, fête ses 100000 heures de vol sur TB 30 Epsilon le 20 Janvier 1989.
En juin 1989, sera créée la Patrouille « Cartouche Doré ».

Première livrée de la Cartouche Doré qui fût créé à cette occasion
4 livrées exceptionnelles pour une formidable épopée de 27 années de démonstrations aériennes.

La Cartouche Doré, petite soeur de la Patrouille de France
Poste Avant de l’Epsilon en 1994
En juin 1991, le GE 315 fête sa trentième année de présence à Cognac et franchi le 05 Juin 1992, le cap des 200000 heures sur son avion principal l’Epsilon.

Le cap des 200000 heures est atteint le 05 juin 1992, il y a plus de trente.
Au total le Ministère de la Défense Nationale acquis 150 Epsilon.

Le TB-30 Epsilon en « Maître » d’école
Ces chiffres, à eux seuls, démontrent la vitalité et le dynamisme de cette unité.
Le 1er août 1994, le Groupement École « GE-315 » devient Ecole de Pilotage de l’Armée de l’Air 00.315 « EPAA 00.315 ».
L’EPAA reçoit le 15 mai 2014 le nom de parrain « Général Pierre Jarry »
Une carrière exemplaire…
Le quotidien des élèves pilotes de chasse lors de leur formation sur TB-30 Epsilon à l’EPAA 315 de la Base aérienne 709 « Commandant Ménard » du 07 Juin 1984 au 24 Septembre 2019, était de se former, au pilotage, à la Navigation, au vol aux Instruments, au vol de Nuit, et au vol en Formation.

Vols d’instructions en 1984
30 ans plus tard toujours la même dynamique !

Vols d’instructions en 2014
La Patrouille Cartouche Doré après 27 années d’une formidable aventure, est mise en sommeil le 24 novembre 2016, jour de mon anniversaire.

Dernier éclatement de la Cartouche Doré le 24 novembre 2016
Le 25 mars 2019, le LTT Hugo Alix ( 60 heures de vol sur Epsilon ) sera le tout dernier lâché TB-30.

Lieutenant Hugo Alix
Le 24 Septembre 2019 le TB-30 Epsilon fut retiré du service opérationnel et ce après 35 années au service de l’Armée de l’air.
647 500 heures de vol, dont 70% dédiés à l’instruction.
Formation de plus de 3779 élèves pilotes et 80 élèves navigateurs.
Environ 19 000 à 23 000 heures de vol par an.
À cette occasion, la déco spéciale du 118 / 315 YI du retrait « The Last Flight » reprend les différentes livrées portées par le TB-30 Epsilon :
Livrée blanche de ses débuts, sur l’arrière du fuselage.
Gris foncé, sur l’avant du fuselage, la livrée actuelle.
Couleur dorée pour rappeler la patrouille « Cartouche Doré ».
Reprise des couleurs de la dérive de son remplaçant le PC-21.

L’Epsilon 118/315 YI avec sa livrée de retrait « The Last Flight »